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Quand la file dépasse, le lieu trépasse ?

Lorsque le déséquilibre est trop important entre le traitement de l’offre et la demande, d’immenses files d’attente peuvent se créer et cela parfois au détriment des espaces publics. Le service auquel elles renvoient vient ainsi s’accaparer une place imposante qui peut aller jusqu’à prendre le pas sur la vie propre et initiale de l’espace occupé. Celui-ci voit alors sa fonction qui se recentre vers un sujet et peut connaître dans certains cas un véritable chamboulement.

File d'attente pour l'Opéra de Marseille, Pierre Echinard : « Le spectacle, élément majeur de la culture marseillaise ».

Lors de spectacles, comme ici sur la photo pour l’opéra de Marseille dans les années 70’s, on peut qualifier les files comme étant ponctuelles à l’échelle d’un individu. Ce sont très souvent ces files évènements qui monopolisent beaucoup d’espace tel qu’ici tout un trottoir dans sa longueur et sa largeur. A la vue d’un passant qui ne semble, lui, pas concerné par cet évènement, on comprend qu’il a été contraint de modifier le tracé de son déplacement pour contourner la file. Il prend ainsi le risque d’emprunter la chaussée dédiée aux véhicules.

Ce cas met en évidence une superposition d’usages au sein d’un espace public, lesquels se trouvent là être en déséquilibre.

En revanche, si l’ensemble des individus ont pour destination l’accès au même service, il n’y a pas de conflit d’usage de l’espace public. Ce cas vaut en contexte de crise, du même thème que l’exemple que l’on a mobilisé lors de notre présentation : en période de ravitaillement, la majeure partie de la population est concernée et vit ici l’espace public à travers la file d’attente qui prédomine à cet instant. En effet, nous sommes ici vers la fin de la guerre les femmes vont prendre leur place dans la file et vont se mettre à discuter voire même parfois à tricoter pour meubler l’attente interminable. De cette façon, la file occupe spatialement la majeure partie de l’espace disponible et impose ainsi ses propres pratiques qui visent à occuper le temps d’attente de l’individu.

L'attente des femmes en contexte de ravitaillement : www.les-sanglots-longs-des-violons.eklablog.com

Au bout du compte, l’ampleur d’une file d’attente peut bien entendu venir perturber les déplacements et plus généralement les pratiques que l’on retrouve dans un espace public, mais pourquoi n’aurait-elle pas sa place dans ce qui définit une rue ou une place à partir du moment où elle parvient à générer de la dynamique et faire lieu ?

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